Pépé Kelt,
Toi et moi, c’était un pur hasard. Tu n’étais pas prévu, pas envisagé. Je flânais sur un forum, une petite annonce d’adoption a attiré mon attention. Quand j’y pense, c’est bizarre, je ne lis jamais les annonces d’adoption sur les forums. Mais la tienne, je ne sais pas pourquoi, j’ai cliqué dessus. Y avait pas de photo, y avait juste un court texte qui décrivait ton histoire. Abandonné sous le siège d’un train, dans une boite à chaussures. Je n’ai pas réfléchi, j’ai envoyé un MP tout de suite. Un MP qui ne m’engageait pas, qui disait « j’aimerai réfléchir encore pendant quelques jours ». Mais qui précisait tout de même « si tu as une autre personne intéressée, c’est OK je l’adopte tout de suite, je ne veux pas passer à côté de lui ».
On est d’accord qu’y a pas de logique dans ce que j’ai écrit, je crois que le « j’aimerai réfléchir encore un peu » était juste le temps d’admettre l’idée que j’étais en train de craquer. Moi qui n’adopte jamais sur un coup de tête, j’ai craqué pour toi. Enfin, c’est bizarre de craquer sans photo, non ?
Bref, c’est allé très vite, je suis venue te chercher à Gare de l’Est. Ton sauveur était très gentil. Pas intéressé par les rats, et pourtant, il t’a gardé plusieurs mois chez lui. Il t’a acheté une cage, de la nourriture, du chanvre, une boite de transport. Il a tenté de te faire adopter sur leboncoin, mais les gens ne venaient que pour avoir la cage gratuitement. Il n’a pas été dupe, il ne voulait pas « que l’on te bazarde après », donc il t’a gardé. Jusqu’à ce jour !
C’est ta marraine Stouf qui t’a trouvé ton nom. Je voulais quelque chose qui rappelle l’endroit dont tu venais. Pour qu’on n’oublie jamais ce que tu as traversé, ce que l’on t’a fait subir.
Je m’attendais à avoir un rat tout maigrichon, carencé, peureux, agressif. Tu parles ! Tu étais ventripotent, très réactif aux stimulis, et pas agressif pour deux sous. Très curieux, très gourmand, tu as très vite compris où était ton intérêt 🙂
L’intégration avec les gros a été un peu douloureuse, Drek’Thar t’a ouvert, 7 agrafes pour te réparer ! Je t’ai intégré avec Orgrim, Orgrim tout gentil. Vous êtes devenus copains, c’était chouette de te voir heureux, de t’offrir une « vie de rat » après ce que tu as traversé.
Quand j’ai réuni toute la troupe, Wifi t’a pris en grippe, je n’ai jamais compris pourquoi. Et toi, tu t’énervais vite, et t’adorais faire le crabe et te frotter partout. Tu as fini castré, lui aussi d’ailleurs ! Et puis à force d’insister, de vous isoler en cage commune tous les deux, il a fini par t’accepter. Et puis, ça y est, tu avais tes copains. T’étais heureux ! Tata Lilou te surnommait « fayot » parce que tu étais toujours là à venir réclamer des câlins 🙂
Tantôt dans mes pattes, tantôt à courir partout, je crois que tu as été l’un des rats qui a le plus exprimé son bonheur à la maison 🙂 J’adorais te regarder, toi qui revenait de loin, profiter des petits bonheurs simples.
En décembre 2013, on te diagnostique une tumeur à la gorge. Tu es déjà vieux, fatigué, l’endroit est délicat. On laisse la tumeur. Mais elle évolue, elle évolue… En 15 jours, elle a pris une place tellement importante qu’elle te gêne. Je t’emmène chez la vétérinaire pour « tenter le tout pour le tout ». Je te dis au revoir, je te dis adieu, je ne pensais pas te revoir. Mais ma vétérinaire, elle est géniale, parfaite, magique. Elle t’a sauvé ! Je n’y croyais pas, elle non plus d’ailleurs. On pensait que la tumeur reviendrait très rapidement. Pas du tout, elle n’est jamais revenue, nous t’avons offert 5 mois de vie en plus mon petit voyageur.
Cinq mois pendant lesquels tu t’es battu, tu t’es accroché. Tu vieillissais, mais tu avais toujours la forme. Prêt à m’arracher le doigt quand j’apportais du fromage, à quémander de la blédine quand je te rentrais sans mettre une gamelle dans les 5 secondes qui suivaient. En sortie, tu te trainais avec tes deux pattes avant en glissant sur le parquet, et tu vadrouillais, tu vadrouillais.
Tous les soirs, on prenait « le bain de fesses » pour éviter les infections avec l’urine qui marine. Ca ne te plaisait pas du tout, tu te débattais, mais je n’ai jamais flanché, c’était le bain de fesses et puis c’est tout ! Tu adorais quand même ce moment où je t’enroulais dans la serviette puis où je te grattais les oreilles 🙂 Ah ça, le grattage d’oreilles, qu’est-ce que c’était bon !
Malheureusement, tu as fini par développer un gros abcès très moche près des voies génitales. Je t’ai emmené chez la vétérinaire, elle t’a endormi pour le nettoyer comme il faut en profondeur. Mais sous l’abcès se développait une tumeur infiltrante, qui prenait déjà tous les canaux urinaires. Te réveiller n’aurait été que souffrance pour quelques jours à peine de vie en plus.
J’ai du prendre la décision au téléphone de te faire partir, et ça, putain, qu’est-ce que c’est dur. D’être si loin de toi pour ton dernier voyage, toi qui avait déjà été abandonné au début de ta vie, j’ai eu l’impression de te faire revivre la même chose. Mais mon petit bout, tu dormais déjà, et la vétérinaire t’a gardé contre elle jusqu’à temps que tu t’envoles définitivement. Je suis venue te dire adieu le soir, mais tu étais déjà parti loin, rejoindre les anges. Peut-être que tu me regardais de là-haut ? Elle t’avait mis dans une jolie position, tu étais serein, tu ne souffrais plus. Après tout, t’avais bien mérité ton repos.
T’avais tellement de caractère, tellement de volonté de vivre, la troupe sans toi, c’est plus pareil. Je suis très fière de ce qu’on a construit tous les deux. Et pour te prouver à quel point tu étais génial, je terminerai cet hommage par les quelques mots de ma maman pour toi : « Il a tenu le choc, un vrai warrior ! J’ai une pensée pour lui et je suis heureuse de l’avoir revu une dernière fois chez toi »
Bon voyage mon papi. Merci <3