Mon Petit Poulet,
Il m’a fallu quelque temps pour reprendre mes esprits et écrire ce billet. Pour une fois, je vais commencer par la fin, parce que je voudrais finir cet hommage sur des bons souvenirs. Parce que ce qu’il me reste de toi, ce sont des bons souvenirs. Je veux mettre ma peine de côté et sécher mes pleurs pour rire encore en pensant à tes mimiques, à tes habitudes, à toi.
Cela fait quelques jours que j’ai remarqué une baisse générale de ta forme. J’ai mis cela sur le compte de ton âge et du fait que tu es resté seul suite au départ de Pupuce. Mais au fond de moi, je me doute bien qu’il y a quelque chose de mauvais qui se met en place. Sans mettre le doigt sur un problème visible, quelque chose dans ton attitude a changé.
Tu passes plus de temps dans ta cage, tu refuses un peu les contacts avec nous. Puis un jour, tu as refusé de manger. Je t’ai servi du Rénutryl, du petit pot, des graines de courge, que des choses que tu adores. Tu les as laissées de côté. Tu as cessé de t’alimenter, tu as perdu du poids. Tu avais l’air de souffrir. Alors on a pris rendez-vous de toute urgence le samedi avec le vétérinaire. J’envisage un problème dentaire, qui t’empêche de t’alimenter. Je sais que quelque chose de grave est en train de s’installer, je dis à mon chéri que ton ventre me paraît bizarre. Mais je ne m’attendais pas à me prendre un coup de massue comme celui-ci.
Ta dentition est normale, mais tu es en hypothermie et la palpation de l’abdomen révèle une anomalie. A la radio, on ne voit plus aucun organe. Tout ce qu’on voit, c’est une masse blanche qui prend tout ton abdomen, des poumons jusqu’en bas. Ce qui n’était pas le cas sur les précédentes radios que l’on avait de toi.
On évoque une occlusion intestinale, ou bien une tumeur. Le vétérinaire me suggère une échographie pour en savoir plus. Je demande si on peut ouvrir pour être fixés plus rapidement, parce que les cliniques capables de faire des échographies ne pourront pas m’en faire une rapidement, et que je refuse de te laisser souffrir un weekend entier. Le vétérinaire me met en garde sur ton état, me dit que tu pourrais ne pas survivre à l’anesthésie. Je le sais bien, mais de toute façon, l’échographie ne te soignera pas. Autant ouvrir maintenant, plus on attendra, moins on aura de chance de te sauver. J’ai la chance inouïe d’avoir un beau-papa vétérinaire. Il ne travaillait pas, il est venu pour toi. Il a accepté de t’opérer dans la demie-heure qui suivait la consultation.
Je te dis au revoir, je te laisse dans la cage chauffante, avec ton hamac préféré que j’avais pris soin d’emmener. Au cas où.
Je suis restée dans les parages de la clinique, j’avais un mauvais pressentiment. Tu sais, de ceux qui te disent « si tu rentres, tu le regretteras ». Le vétérinaire devait t’endormir et t’ouvrir 1/2h après mon départ. Je savais que s’il m’appelait au bout de 30 minutes, ce serait pour m’annoncer une mauvaise nouvelle. J’ai attendu 1/2h dans un café. Puis mon téléphone a sonné. « tumeur plus grosse qu’une noix, adhérente à tout le système digestif ». Voilà pourquoi j’étais restée à proximité. Pour te prendre dans mes bras quand tu t’en irais. J’ai demandé à ce qu’on m’attende pour t’injecter les barbituriques. Je n’ai même pas pleuré. Trop rapide pour que je prenne conscience de ce qu’il se passait. La seule chose que je voulais et qui me guidait dans mes choix, c’est que tu ne souffres pas.
Nous t’avons enterré le soir même aux côtés de Ysera, dans l’oranger que l’on a pris spécialement pour vous. Mon chéri l’a baptisé « Amon-Râ », c’est un joli nom, non ? Ca a été dur de t’enterrer, parce que c’est là que j’ai compris que tu étais parti. Que je ne te reverrais plus. C’est difficile, je sens encore dans mes mains la sensation de te porter, de te caresser. Ce matin tu étais là, ce soir, je recouvre ton corps de terre.
Après ton départ, j’ai passé une longue journée à pleurer. Puis quelques jours à être en colère, contre la vie, contre l’injustice, parce que tout a été trop vite. Maintenant, je me sens vidée de toute émotion, mais de belles images de toi me reviennent.
Tanannan, c’est le rat aussi parfait que son père. Toujours à venir au contact de l’humain, toujours à faire des bisous.
Tu avais un caractère plus affirmé que Oshu avec les rats, mais tu as réussi à te faire aimer de tous les humains qui t’ont connu. Ma maman t’adorait, je crois que c’est grâce à toi qu’elle a dépassé sa peur des rats et qu’elle a fini par tomber sous votre charme 🙂
Quand je pense à toi, je pense à un petit filou qui venait me piquer MA nourriture dans MON assiette.
Je pense à un petit filou qui, plutôt que de prendre un petit bout de la tartine qu’on lui tendait, chipait carrément toute la tartine et l’embarquait dans sa cage.
Je pense à un petit filou qui customisait tous les hamacs pour les adapter à son idée de la mode.
Je pense à un petit filou qui retournait Ysera et Kaldoreï d’une manière peu élégante et peu douce.
Et puis je pense à un rat qui avait des oreilles plus grandes que lui.
Je pense à un rat qui avait le poil ras qui grattait sous les ongles.
Je pense à un rat qui muait de manière éparse et aléatoire.
Je pense à un rat qui était plus rose que bleu.
Mais je pense aussi à un petit amour qui accourait vers chaque humain qui ouvrait sa cage.
Je pense aussi à un petit amour qui nous usait la peau sous les bisous.
Je pense aussi à un petit amour qui passait du temps à observer la vie à la maison depuis nos épaules.
Je pense aussi à un petit amour qui creucreutait sous les caresses.
Tu as toujours représenté pour moi quelque chose de très fort. Tu es le fils de mon Shushu d’amour, j’ai perdu tes frères Pwyll et Luchta dans des conditions tragiques à un moment de ma vie particulièrement difficile. J’ai mis en toi tout le soutien que j’ai reçu de mes amies à ce moment-là. Tu étais ma dernière adoption, celui qui clôturerait l’aventure. Tu étais définitivement plus qu’un rat, t’étais Tanannan.
Je suis tellement, tellement, tellement contente d’avoir partagé ta vie. Merci d’avoir été toi, merci de m’avoir acceptée comme humaine, merci de m’avoir autant aimée, merci de m’avoir offert des bébés aussi merveilleux que toi, merci d’avoir été avec moi jusqu’au bout. J’aurai voulu t’offrir plus, te garder encore près de moi. Mais on a dit « pas de pleurs », alors je te souhaite bon vent mon Tanannan, j’espère que tu es heureux là où tu es.