Avoir des rats, c’est fun.
Ça a un côté un peu rebelle, ça alimente les discussions, ça intrigue les gens qui viennent chez vous (et dans le meilleur des cas, ça les empêche même de venir chez vous, parce que « c’est sale et ça pue », tant mieux, ça fera moins de rangement). Ça vous donne de l’importance auprès des gens, ils se souviennent de vous comme « la fille qui a des rats » (oui, je dis bien « la fille », parce qu’un homme qui a des rats, ça marque moins les esprits, allez savoir pourquoi).
Pour les intimes, avoir des rats, c’est comme avoir une boîte pleine d’amour, que l’on peut ouvrir dès qu’on se sent seul et hop, on est réconfortés ! On ouvre la cage, on s’assoit par terre, et on se laisse envahir par ces petits monstres qui viennent nous grignoter les cheveux, les oreilles, nous sentir les narines, nous grimper sur la tête, qui se laissent glisser le long de nos épaules pour nos tatouer leurs griffes.
Quand on s’ennuie, on les regarde vivre et évoluer entre eux, prendre des positions toujours plus ridicules les unes que les autres, se chamailler pour un bouchon alors que la gamelle est remplie, aller boire en même temps au même biberon, et sourire bêtement en les regardant dormir en tas, une paire de fesses par dessus les oreilles.
Oui, mais avoir des rats, c’est surtout des emmerdes ! C’est alterner entre problèmes d’intégration qui nécessitent un ballet incessant de cages et d’accessoires, de médicaments homéopathiques et phytothérapeutiques pour « apaiser les tensions », de compositions de groupes qui changent toutes les semaines, et problèmes de santé.
Quand votre rat a un problème de santé, on vous dit « emmène-le chez le véto ». Ça paraît simple, dit comme ça. Mais emmener un rat chez le vétérinaire, c’est une organisation millimétrée. Car bien évidemment, le vétérinaire compétent ne se trouve pas au pied de chez vous, non, il est à une heure de transports de chez vous, et à une heure de transport de votre lieu de travail (avec correspondance, s’il vous plait ! Sinon, c’est trop facile)
On appelle donc pour prendre rendez-vous, en demandant le premier rendez-vous, histoire de ne pas être obligé de poser une journée de congés, parce que si on pose une journée de congés à chaque fois qu’on va chez le véto, au bout de 6 mois, on a épuisé nos 5 semaines de congés payés.
Rendez-vous obtenu pour 8h donc. Mais souvenez-vous ! On habite à une heure de transport du vétérinaire. On part à 7h de chez nous. Donc on se lève à 6h30 (les plus coquettes se lèveront plus tôt). En ayant pris soin de préparer tout le nécessaire pour le transport du rat la veille au soir, histoire de grapiller quelques précieuses minutes de sommeil : la boite de transport avec du drybed, un tissu dans la boite, le sac pour mettre la boite, la serviette pour recouvrir la boite dans le sac, le biberon avec de la grenadine, parce que la grenadine, c’est trop bon, le petit sachet de bouchons okazou, et on refait le tour 3 fois histoire d’être sûre.
A 7h, il nous reste donc à mettre le rat dans la boîte (et vérifier qu’on a mis le bon, parce que bon, avec un seul oeil d’ouvert, on a tôt fait de se tromper), et on se met en route. Oui mais souvenez-vous ! Une heure de transport avec correspondance ! Ça signifie qu’on a à peu près 1 chance sur 2 d’avoir des problèmes sur la route (et si on ne les a pas pour aller chez le véto, on les aura de toute façon pour aller travailler).
8h, 8h15, 8h30, dépend de notre degré de chance, on dépose le rat chez le véto. Pas d’bol, faut opérer ! Il devra donc rester toute la journée. On lui fait un gros bisou, une papouille, encore un bisou, et une papouille, et la larme à l’oeil, on s’en va, en espérant avoir de bonnes nouvelles lors du coup de fil du début d’aprèm.
Allons donc au travail. Souvenez-vous… une heure de trajet, avec correspondance. Je vous épargne le discours sur la probabilité d’avoir un voyageur malade, ou un accident voyageur, ou un incident technique, on arrivera forcément en retard.
Arrivé au travail, c’est le début d’une longue, très longue matinée. On a le droit d’appeler à 14h. Pas avant. Toutes les minutes, on regarde l’heure en espérant qu’une heure se soit écoulée. C’est long. On s’inquiète, on angoisse, on regarde son téléphone, on espère qu’il ne sonne pas, car un véto qui appelle, c’est mauvais signe.
Pause déjeuner, on peine à avaler quelque chose.
13h55, on prend son téléphone, et on attend 14h. 14h pétantes ! Ça y est, on a le droit d’appeler. On appelle et… Ça sonne occupé. On raccroche, et on rappelle tout de suite (des fois que le correspondant ait raccroché en même temps que nous). On tourne en rond. On finit par avoir l’ASV, qui nous rassure à sa façon : « il mange un apéricube », « il est sur ses 4 pattes », « il a peiné à se réveiller, on le surveille », etc.
L’après-midi est tout aussi longue que la matinée.
17h45, on prend la route pour aller récupérer le rat chez le véto. Souvenez-vous, trajet avec correspondance, donc… problèmes en vue ! On prend 15 minutes de marge histoire de ne pas arriver devant un cabinet fermé.
On arrive à 18h55, haletant à cause d’une course effrénée pour ne pas arriver à la fermeture et là, salle d’attente bondée ! On patiente, on patiente, on patiente, pour récupérer un loulou qui aura déjà arraché la moitié de ses fils et qui nous fera la tête une fois rentrés à la maison, pour cause d’abandon.
A 20h30, on arrive enfin à la maison. Si on a de la chance, on a un chéri qui nous a préparé à manger. Sinon, y a plus qu’à commander une pizza qui arrivera froide à 22h.
Bilan de la journée : 4h de transport au lieu de nos 30 minutes habituelles, un rat avec la moitié des fils arrachés qui nous fait la tête, du stress, de l’angoisse, de la fatigue, et X euros en moins selon notre bonne étoile du jour.
Les rats, c’est que des emmerdes.
(mais on les aime quand même, non ?)